Pourquoi revenir sur cette règle de l’abrogation? Parce qu’elle constitue une clé absolument indispensable pour la compréhension du Coran et donc de l’islam. Si on ne connaît pas le sens de cette règle fondamentale, on ne peut qu’être déconcerté ou découragé devant les nombreuses contradictions présentes dans le livre saint des musulmans ; on risque également de se faire « rouler dans la farine » lors de discussions avec des musulmans rusés et/ou malintentionnés.
Anne-Marie Delcambre consacre un bref chapitre de son dernier livre 1] à ce thème. Elle rappelle que « dans le cas de deux versets qui se contredisent, pour les spécialistes, le verset révélé en dernier abroge le verset révélé en premier ».
Etant donné que dans le Coran les sourates ne sont pas classées dans l’ordre chronologique mais approximativement par ordre de grandeur décroissante (de la plus longue sourate à la plus courte, à l’exception de la première sourate), une question se pose inévitablement : en cas de contradiction entre deux versets, comment savoir quel est le verset révélé en dernier ?
Réponse : « Il faut (…) se référer aux études des savants de l’islam pour connaître l’ordre chronologique ». Ceux-ci distinguent par les sourates mecquoises (révélées à La Mecque entre 610 et 622) et par les sourates médinoises (révélées à Médine entre 622 et 632).
Le principe du verset abrogeant (nâsikh) et du verset abrogé (mansûkh) est contenu dans le Coran lui-même :
Sourate 16 (sourate mecquoise, la 70ème révélée), verset 101 : « Quand Nous remplaçons un verset par un autre – et Allah sait mieux ce qu’Il fait descendre – ils disent : « Tu n’es qu’un menteur.» Mais la plupart d’entre eux ne savent pas. »
Sourate 2 (sourate médinoise, 87ème révélée), verset 106 : « Si nous abrogeons un verset ou si nous le faisons passer à l’oubli, Nous en apportons un meilleur ou un semblable. Ne sait-tu pas qu’Allah est omnipotent ? »
Quel est l’intérêt de tout ceci ? La règle de l’abrogation a des conséquences pratiques, concrètes. Illustrons-le par deux exemples.
Premier exemple. Pourquoi la consommation d’alcool est-elle interdite aux musulmans ? La sourate 16, verset 67 dit pourtant : « Des fruits des palmiers et des vignes, vous retirez une boisson enivrante et un aliment excellent. Il y a vraiment là un signe pour les gens qui raisonnent ».
Pour répondre à la question, il faut savoir que la sourate 16 est une sourate mecquoise (c’est la 70ème révélée) et qu’elle est abrogée par la sourate 2 (médinoise, 87ème révélée), verset 219. Celle-ci est abrogée à son tour par la sourate 4 (médinoise, 92ème révélée), verset 43. Cette dernière enfin est abrogée par la sourate 5 (médinoise, 112ème révélée), verset 90 : « Oh les croyants ! Le vin, les jeux de hasard, les statues, les flèches de divination sont une abomination inventée par Satan. Ecartez-vous-en afin que vous réussissiez. » On a donc ici affaire à une succession de versets qui s’abrogent les uns les autres, et c’est le dernier d’entre eux (chronologiquement) qui a le dernier mot. D’après le principe de l’abrogation qui régit l’application du Coran, c’est la sourate 5 qui doit guider la conduite du musulman. Il faut donc ne pas consommer d’alcool [2].
Deuxième exemple. Pourquoi certains, dont je fais partie, déploient-ils autant d’efforts pour dire, à l’encontre de tant d’autres, que l’islam n’est PAS la religion pacifique et tolérante qu’on a coutume de nous décrire ? Le Coran contient bien de nombreux versets "pacifiques", "gentils", "tolérants". En effet. Mais il en comprend également d’autres, qui sont "intolérants", d’une extrême violence envers les juifs, les chrétiens, les non-croyants. Dès lors, à quels versets se fier ? Il faut une nouvelle fois savoir à quelle période se rapportent les versets en question.
Les premiers (tolérants) appartiennent à la période mecquoise, les seconds (violents) à la période médinoise.
Par conséquent, toujours en vertu de ce principe de l’abrogation (contenu dans le Coran, je le rappelle), les versets qui prêchent l’indulgence, la tolérance, sont abrogés par ceux qui prônent la violence et l’intolérance. Ceux qui invoquent les versets de la période mecquoise pour soutenir que « l’islam est une religion de paix sontignorants du principe de l’abrogation, ou pire encore, le connaissent très bien mais essayent de nous manipuler.
Anne-Marie Delcambre fournit dans son dernier livre, au chapitre "Sourates du Coran ?", une liste fort précieuse des sourates de La Mecque et de Médine. Sur un total de 114 sourates, 86 sont mecquoises, 28 sont médinoises.
Sont médinoises les sourates suivantes (dans l’ordre de la révélation) : 2, 8, 3, 33, 60, 4, 99, 57, 47, 55, 13, 76, 65, 98, 59, 24, 22, 63, 58, 49, 66, 64, 61, 62, 48, 5, 9, 110. La sourate 2 est ainsi la première sourate de la période médinoise, et les sourates 5, 9 et 110 en sont les dernières.
Arrêtons-nous un instant sur deux sourates médinoises particulièrement importantes.
La sourate 9, sourate médinoise, l’avant-dernière révélée, est d’une importance primordiale. Le verset 29 de cette sourate 9, révélée en 631, abroge toute disposition antérieure autorisant une attitude plus douce envers les polythéistes, les juifs, les chrétiens, les sabéens et les zoroastriens. Ce verset n’établit plus de différence entre les idolâtres et les monothéistes. » 3]
Or, que dit cette sourate 9, verset 29 ?
«
Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui
n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne
professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le
Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains,
après s’être humiliés ».
Le verset 4 de la sourate 47 (95ème révélée) est appelé « verset du jihad » : il abroge tous les versets appelant à la paix. Et que dit le « verset du jihad » ?
«
Lorsque vous rencontrez (au combat) ceux qui ont mécru frappez-en les
aux cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement.
Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce
que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Allah
voulait, Il se vengerait Lui-même contre eux, mais c’est pour vous
éprouver les uns par les autres. Et ceux qui seront tués dans le chemin
d’Allah, Il ne rendra jamais vaines leurs actions ».
Il faut donc avoir cette règle de l’abrogation à l’esprit
lors de toute discussion au sujet de l’islam, que ce soit avec des gens
qui l’ignorent et à qui il faut alors l’expliquer, ou avec des gens qui
la connaissent mais comptent sur notre ignorance pour avancer leurs
pions et nous induire en erreur…
Un cas d’école à connaitre absolument. Il est utilisé par les propagandistes musulmans pour nous faire croire que l’islam est tolérant, c’est la Sourate 2 verset 256 qui dit: «Nulle contrainte en religion .» Il est censé nous laisser croire que l’on peut entrer ou sortir de l’islam librement. Certes c’est un verset médinois qui n’en n’est pas moins abrogé par un autre verset médinois ultérieur le non moins célèbre verset de la dhimmitude - Sourate 9 verset 29: «Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés.»
Tant que cette règle de l’abrogation n’est pas abrogée, si j’ose dire, les tentatives de ceux qui conseillent de ne tenir compte que des sourates mecquoises n’ont hélas aucune chance d’aboutir. Le Soudanais Mahmoud Muhammad Taha (1908-1985), pour l’avoir proposé, le paya de sa vie : il fut déclaré coupable d’apostasie et fut pendu le 20 janvier 1985. Il avait soixante-dix ans.
Gédéon
Pour plus d'information, revoir les vidéos de Wafa Sultan, celle d'Alain Wagner et d'autres sur la colonne de droite de ce blog.
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Gérard Brazon