lundi 27 février 2012

Buffy : art et contradiction

Construction des personnages de Buffy contre les vampires

1)Contradiction,  humanité, intensité
Selon Lev Vygotski dans Psychologie de l'art, l'art est la catharsis d'une contradiction. Il donne à l'appui de sa théorie divers exemple dont celui de l'architecture gothique qui paraît si légère en comparaison du gigantisme de la construction, Hamlet de Shakespeare où le héros ne fait pas ce qu'il dit, retarde indéfiniment sa vengeance, la Joconde dont on ne peut pas discerner l'expression. De mon point de vue, la contradiction révèle la volonté humaine qui construit un monde propre.

Ici dans Buffy, tous les personnage les plus intenses (in=dans, tense=tension : donc tension interne) sont en proie à au moins une contradiction interne et externe : bien-mal, force-faiblesse, humain-démon, amour-haine, raison-émotion-pulsion, conformisme-originalité. Plus les tensions sont fortes, plus les personnages sont intenses, ainsi certains personnages prennent beaucoup d'importance alors que d'autres deviennent plats au cours de la série lorsqu'ils n'ont pas de contradictions visibles.


2)Double identité
Buffy est au départ une adolescente superficielle qui tient entre ses mains des pouvoirs et un destin extraordinaires car elle est la Tueuse. Plus tard dans la série, la balance se fera entre son humanité et sa nature de tueuse.
Giles apparaît comme un bibliothécaire britannique maniéré et s'avère être bien plus, développe un attachement paternel envers Buffy contraire à son devoir d'Observateur (Watcher en Anglais, mais Veilleur me semble une traduction plus appropriée car Watcher et Veilleur ont une dimension sécurisante qu'Observateur n'a pas) qui le confrontera à ses supérieurs.
Le maire Richard Wilkinson III est affable, sympathique en même temps que maléfique. Quasi-invincible, il a pourtant la crainte des germes, maniaque de l'ordre et de la propreté. Malgré son apparent détachement il développe de l'affection pour Faith.

3)Force et faiblesse
Alex est à la fois peureux et maladroit mais très courageux et sûr de lui dans certaines circonstances. Il sauve seul le lycée et plus tard le monde. Sa contradiction interne est rendue explicite dans l'épisode où il se dédouble, la catharsis intervenant quand il redevient unique. Séparément les doubles sont moins intéressants car prévisibles.
Willow est timide et gentille mais a une passion pour la sorcellerie qui est d'origine maléfique : la magie est d'origine maléfique alors que le miracle est d'origine divine comme l'explique Jacques Goimard dans Critique du merveilleux et de la fantasy. Elle est faible physiquement mais devient de plus en plus forte grâce à son savoir qui augmente. Elle risque à tout moment de basculer. Les forces qui l'animent sont puissantes et cela se traduit par une transformation de grande ampleur dans le temps.

4)Humain et monstre

Anya est un démon qui redevient humaine qui cependant garde une tournure d'esprit démoniaque. Généralement, le décalage léger par rapport au conformisme social est source d'humour selon Lev Vygotski.
Spike et Angel sont deux vampires qui ne peuvent exprimer leur nature maléfique, l'un à cause d'une puce et l'autre de son âme. Spike, après Angel, devient l'un des personnages plus intéressants à cause de sa nature vampirique qui entre en contradiction avec son amour pour Buffy. Spike a une palette d'expressions plus étendue qu'Angel qui lasse à force d'avoir toujours cette expression de chien triste.
Oz a une attitude très calme mais se déchaine lorsqu'il est loup-garou. Son instinct animal met en danger son humanité et ses sentiments pour Willow.

5)Réalité et fiction

Dawn est une humaine d'origine non-humaine qui doit composer entre son ressenti et sa raison qui lui envoient des messages contradictoires. Elle sait que sa réalité est artificielle car elle a été créée comme soeur de Buffy afin que celle-ci la protège mais ses émotions et ses souvenirs sont ressentis comme réels. C'est une mise en abyme qui reflète la position du spectateur de la série : le monde qui est présenté est faux mais le ressenti est vrai. On a le même genre de questionnement dans Matrix.


Toutes ces contradictions nourrissent les tensions dramatiques, humoristiques, l'évolution, les émotions, l'identification que l'on peut éprouver vis-à-vis des personnages. Elles nous les rendent humains.

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